Tax & Legal

Créances douteuses – Leur traitement correct requiert une attention particulière sous divers aspects

By:
Bart Verstuyft,
Nele Pichal,
Roeland Vereecken,
Wim Gysemans
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Toutes les entreprises sont malheureusement confrontées, en fin d’exercice, à des créances impayées. Il s’agit parfois d’un simple oubli de la part du client ; mais il peut aussi être question de factures dont le recouvrement est douteux parce que le client est en désaccord avec la facture ou est confronté à des problèmes financiers. Dans ce dernier cas, la question qui se pose est de savoir comment et de quelle manière reprendre cette perte dans votre résultat.

En effet, les pertes résultant de créances commerciales ne sont fiscalement déductibles que lorsqu’elles sont certaines et assurées. Dès lors que cette preuve peut être apportée, la réduction de valeur devient une charge déductible pour l’exercice au cours duquel la perte de la créance est devenue certaine et assurée.

Nous examinons brièvement cette question sur la base des différents stades, à commencer par la ‘créance incertaine’ (‘créance douteuse’) jusqu’au moment où la perte est certaine et assurée.

Pour éviter tout problème lors d’un contrôle fiscal, il est très important d’évaluer attentivement les clients en souffrance au terme de l’exercice et de prendre les mesures qui s’imposent en temps opportun.

Un client refuse de payer

On parle d’une ‘créance incertaine’ lorsque “le remboursement de la créance à l’échéance est en tout ou en partie incertain ou compromis”.

Dans ce cas, il incombe à l’organe de gestion de procéder à une estimation adéquate de la recouvrabilité de la créance. Si elle est incertaine, la créance de ce débiteur peut être isolée sur le compte 407 Créances douteuses.

Il y a ensuite lieu d’évaluer son caractère recouvrable. Pour la partie que l’on estime être à risque, on peut constituer une provision sur le compte 6340 (D) & 409 (C) “Réductions de valeur sur créances commerciales assurées”. La créance douteuse peut alors être déduite du résultat. Cette déduction ne doit pas nécessairement porter sur la totalité de la créance et peut par exemple être limitée à 50%, en fonction de l’estimation du risque. Bien que la créance soit en principe reprise à sa valeur nominale (c’est-à-dire TVA comprise), l’enregistrement de la dépréciation sur cette créance doit obligatoirement se faire hors TVA. En effet, la TVA pourra en principe être récupérée ultérieurement lorsque les conditions requises à cet effet seront remplies.  

Pour être (fiscalement) déductible, la dépréciation doit avoir été actée pour faire face à des pertes nettement précisées qui sont rendues probables par les événements en cours et dont la probabilité découle de circonstances particulières qui se sont présentées dans le courant de la période imposable (et donc pas en vertu d’un simple risque général). Elles doivent également être individualisables. Les dépréciations globales ou forfaitaires ne sont dès lors pas déductibles. Pour garantir la déductibilité fiscale, les pièces justificatives nécessaires (la correspondance avec le client, par exemple) doivent être tenues à la disposition de l’administration fiscale. La conservation de ces pièces revêt aussi une grande importance pour la récupération ultérieure de la TVA.

Le caractère douteux doit pouvoir être attesté et le montant total doit également être justifié dans un relevé 204.3 annexé à la déclaration à l’impôt des sociétés. L’exonération consentie reste acquise tant que le contribuable démontre le caractère vraisemblable de la perte. Si la perte est définitive ou si la perte attendue ne peut plus être comptabilisée, la dépréciation doit être reprise et comptabilisée comme bénéfice pour la période imposable de la reprise.

La créance incertaine reste impayée

S’il apparaît que la dette est irrécouvrable en dépit de multiples rappels (et la mise en œuvre éventuelle de mesures supplémentaires destinées à recouvrer la créance), d’autres étapes peuvent être envisagées.

Si le créancier peut prouver qu’il a fourni suffisamment d’efforts pour recouvrer le solde impayé, mais que la dette reste irrécouvrable, la TVA peut d’ores et déjà être récupérée. Cela peut se faire via la déclaration périodique à la TVA, à condition qu’un ‘document rectificatif’ (ou une note de crédit) soit délivré au client pour le montant recouvrable, avec renvoi aux pièces justificatives démontrant que tout a été fait pour récupérer cette créance. En lui-même, l’enregistrement comme “Réductions de valeur sur créances commerciales assurées” n’est pas une preuve suffisante pour justifier la récupération de la TVA. En pratique, il est recommandé de demander au bureau de contrôle de la TVA de confirmer que les mesures successives prises dans l’optique du recouvrement suffisent pour récupérer la TVA.    

Généralement, cela ne suffira pas à convaincre le contrôleur de l’impôt des sociétés d’avaliser une exonération définitive, de sorte que la provision doit être maintenue (et reprise chaque année sur un relevé 204.3).

Si, par la suite, la créance incertaine est malgré tout payée (en tout ou en partie), la TVA doit être incluse dans les sommes encore remboursées par le créancier. La TVA doit alors être comprise dans le montant de la TVA due pour la période durant laquelle le versement a été réceptionné. À ce stade, la dépréciation enregistrée doit également être comptabilisée afin de reprendre la fraction payée dans le résultat (au plan comptable et fiscal). 

Le client fait l'objet d'une réorganisation judiciaire

Quand un client décide d’introduire une requête en réorganisation judiciaire, le recouvrement des factures impayées dépend du type choisi. Les créances ouvertes et la dépréciation enregistrée doivent dans ce cas être adaptées en fonction de l’issue de ces procédures. Nous vous renvoyons à ce sujet à l’article que nous avons consacré à la question.

Il existe en fait trois types de réorganisation, chacune ayant ses conséquences intrinsèques sur les créances :

L'accord amiable

Le débiteur conclut un accord amiable avec deux de ses créanciers au moins, sous la supervision d’un juge délégué qui homologuera l’accord et le déclarera exécutoire. L’accord n’est contraignant que pour les parties concernées. Le tribunal peut également autoriser des délais de paiement modérés et imposer aux créanciers d’accorder un moratoire. L’entreprise bénéficie alors d’une protection contre ses créanciers pendant une période maximale de 6 mois (prorogeable jusqu’à 18 mois).

La TVA sur les créances dont la réduction a été consignée dans l’accord est récupérable à la date du jugement constatant l’accord amiable, ici aussi à la condition, cela va de soi, qu’un ‘document rectificatif’ (ou une note de crédit) soit délivré au client pour le montant recouvrable.

L'accord collectif

Le débiteur tente de conclure un accord avec l’ensemble de ses créanciers et un plan de réorganisation est établi afin de rembourser les dettes en tout ou en partie à un horizon maximal de 5 ans. Si le plan est accepté et mis en œuvre, l’entreprise continue d’exister et les éventuelles dettes résiduelles sont annulées. Le plan ne peut être approuvé que si la majorité des créanciers marquent leur accord. L’homologation du plan par le tribunal le rend contraignant pour tous les créanciers.  

La TVA sur les créances dont la réduction a été consignée dans le plan de réorganisation est récupérable à la date de l’homologation par le tribunal. Un document rectificatif ou une note de crédit doit également être délivré à cet effet.

Le transfert sous autorité de justice

A la demande du débiteur, un mandataire judiciaire est désigné par le tribunal de l’entreprise. Il a pour mission de réaliser les actifs existants et/ou les activités. Dans la plupart des cas, une fois le transfert entériné, l’entreprise est déclarée en faillite ou liquidée en déficit.

La TVA sur les créances qui n’ont pas pu être apurées par suite du transfert est récupérable à la date du jugement clôturant la procédure de réorganisation judiciaire par transfert sous autorité de justice. Un document rectificatif ou une note de crédit doit également être délivré à cet effet

Le client fait faillite ou est mis en liquidation

Lorsqu’un client est déclaré en faillite ou mis en liquidation, il est important d’introduire le plus rapidement possible une déclaration de créance auprès du curateur. Ce dernier vérifiera si, à la clôture de la faillite ou de la liquidation, il subsiste suffisamment de fonds pour rétribuer (en tout ou en partie) l’ensemble des créanciers.

En cas de faillite, la TVA payée peut être récupérée dès la date du jugement déclaratif de faillite. Il n’est donc pas nécessaire d’attendre la clôture et le créancier n’est pas non plus tenu de délivrer un document rectificatif (ou une note de crédit) pour pouvoir récupérer la TVA. Aucun régime particulier similaire n’a malheureusement été prévu en cas de liquidation. Dans ce cas, c’est donc la règle générale qui prévaut (voir ci-dessus) et il faut donc émettre un document rectificatif.

Il existe différents types de créanciers : les créanciers privilégiés bénéficiant d’un privilège spécial (par exemple le créancier hypothécaire, le créancier nanti de gage...), les créanciers généralement privilégiés (curateur, personnel, TVA et impôts, sécurité sociale) et les créanciers non privilégiés (les créanciers ordinaires).

La plupart des fournisseurs relèvent de la catégorie des créanciers ordinaires et se retrouveront donc au dernier rang. Dans ce contexte, nous souhaitons également souligner à quel point il est important de prévoir, dans vos conditions générales de vente, une réserve de propriété lors de la livraison de marchandises. Ainsi, ces dernières restent la propriété du vendeur jusqu’au moment où elles ont été intégralement payées. Si le paiement se fait attendre, le vendeur peut réclamer les marchandises en se prévalant de sa réserve de propriété. C’est possible même après que l’acheteur a été déclaré en faillite.

La clôture d’une faillite ou d’une liquidation est la situation la plus claire lors de laquelle la perte de la dette est certaine et assurée. En la matière, c’est le moment de la clôture de la liquidation de la faillite du client qui est déterminant.

Quand le créancier est en possession du jugement déclaratif de faillite ou d’une attestation individualisée émanant du curateur et d’où il ressort que la créance dont il est question est entièrement et définitivement perdue, la perte peut être considérée comme ‘certaine et assurée’. Au plan comptable, on impute la perte sur un compte 642 (Moins-values sur réalisations de créances commerciales) et on reprend la provision qui disparaît alors du relevé 204.3. En principe, cela n’a donc aucun impact sur votre résultat comptable (et fiscal).

Cette moins-value est une charge déductible pour l’exercice au cours duquel la perte de la créance est devenue certaine et assurée (principe de l’annualité). Lorsqu’une créance n’est pas amortie l’année durant laquelle elle a été définitivement perdue, le risque existe que le fisc refuse encore d’accepter la déduction.