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Responsabilité des administrateurs dans le cadre d’une distribution de dividendes

Roeland Vereecken
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Bien que le droit des sociétés permette de distribuer des dividendes sur la base du test de bilan – et du test de liquidité (dans le cas d’une SRL) – les administrateurs doivent impérativement prendre conscience des responsabilités que peut entraîner une telle distribution. Comme l’illustre un récent arrêt de la Cour de cassation, les administrateurs peuvent être exposés au risque d’être tenus personnellement responsables, même si les exigences légales ont été respectées. Dans cet article, nous commencerons par commenter brièvement les procédures que la société à responsabilité limitée et la société anonyme doivent suivre lors d’une distribution de dividendes afin de pouvoir mieux expliquer ensuite cette décision de la Cour de cassation.

Société à responsabilité limitée

Toute distribution de dividendes au sein d’une société à responsabilité limitée est soumise à un double test de distribution, à l’issue duquel les deux résultats doivent être positifs. Ces tests sont le test de bilan et un test de liquidité supplémentaire.

Le test de bilan : protéger l’actif net

Le test de bilan ou test d’actif net vise à garantir que la distribution d’un dividende ne rendra pas l’actif net de la société inférieur à zéro. Lorsqu’une société dispose de capitaux propres qui sont légalement ou statutairement indisponibles, aucune distribution ne peut intervenir si l’actif net est inférieur au montant de ces capitaux propres indisponibles ou le deviendrait à la suite d’une telle distribution. Ce test est effectué sur la base des derniers comptes annuels approuvés ou d’un état plus récent résumant la situation active et passive. Si un commissaire a été nommé, il évalue cet état et le joint à son rapport de contrôle annuel.

Le test de liquidité : pouvoir continuer à acquitter les dettes

La décision de distribution prise par l’assemblée générale[1] ne produit ses effets que si l’organe d’administration constate qu’à la suite de la distribution et en fonction des développements auxquels on peut raisonnablement s’attendre, la société restera capable de s’acquitter de ses dettes à mesure qu’elles deviennent exigibles sur une période d’au moins douze mois à compter de la date de la distribution de dividendes.[2]

L’organe d’administration justifie sa décision concernant le test de liquidité dans un rapport. Si un commissaire a été nommé, celui-ci commente également les données comptables et financières historiques et prospectives dans son rapport. Il est préférable que l’organe d’administration n’attende pas la décision de l’assemblée générale de procéder à une distribution de dividendes pour exécuter le test de liquidité, mais qu’il le fasse avant la tenue de l’assemblée générale et avant de proposer une distribution de dividendes à l’assemblée générale.

Sanction en cas de non-respect dans une SRL

Lorsque des distributions de dividendes ont lieu sans qu’il soit satisfait aux tests précités, la société à responsabilité limitée peut demander le remboursement des dividendes distribués auprès des actionnaires. En outre, les administrateurs risquent d’être tenus solidairement responsables envers la société et envers les tiers de tous dommages que ces tiers subiraient à la suite de la distribution irrégulière, puisque ce sont les administrateurs qui proposent la distribution à l’assemblée générale.[3] Ils portent dès lors la responsabilité de respecter les restrictions qui vont de pair.

Société anonyme

Dans le cadre de la distribution d’un dividende au sein d’une société anonyme, l’assemblée générale a le pouvoir de décider de l’affectation du bénéfice et du montant des distributions, sauf disposition contraire dans les statuts.[4]

Le test de bilan dans une SA

La société anonyme doit effectuer un test de bilan ou test d’actif net avant de pouvoir procéder à la distribution d’un dividende. Aucune distribution ne peut être faite si l’actif net tel qu’il résulte des derniers comptes annuels approuvés est inférieur au montant du capital libéré ou appelé, majoré des réserves légalement ou statutairement indisponibles, ou le deviendrait à la suite d’une telle distribution.

Acompte sur dividendes : règles et restrictions

Dans le cas d’un acompte sur dividendes à distribuer par le conseil d’administration, cette distribution ne peut avoir lieu que par prélèvement sur le bénéfice de l’exercice en cours ou sur le bénéfice de l’exercice précédent si les comptes annuels de l’exercice en cours n’ont pas encore été approuvés, réduit de la perte reportée ou majoré du bénéfice reporté, à l’exclusion de tout prélèvement sur des réserves existantes et en tenant compte des réserves à constituer en vertu de la loi ou des statuts.

Le rapport d’évaluation du commissaire sera joint à son rapport de contrôle annuel. La décision de distribuer un acompte sur dividendes ne peut être prise plus de deux mois après la clôture de la situation active et passive. Si l’acompte sur dividendes excède le montant du dividende arrêté par l’assemblée générale, il est considéré comme un acompte à valoir sur le dividende suivant.

Sanctions en cas de non-respect au sein d’une SA

Les actionnaires qui ont bénéficié de distributions irrégulières devront les rembourser si la société peut prouver que les actionnaires étaient informés de l’irrégularité ou ne pouvaient l’ignorer compte tenu des circonstances.[5]

Cour de cassation

Satisfaire au (double) test de distribution ne suffit toutefois pas. La Cour de cassation a en effet estimé qu’une proposition de distribution de dividendes émanant d’un administrateur pouvait constituer une faute grave caractérisée ayant contribué à la faillite, même si le test de l’actif net a été correctement effectué et que les résultats étaient positifs.

Étude de cas : conséquences d’une distribution de dividendes fautive

En l’espèce, la distribution de dividendes avait été faite à partir de bénéfices réalisés sur la vente de l’unique bien immobilier pour apurer partiellement la dette en compte courant de l’actionnaire et de l’administrateur. L’activité déficitaire avait ensuite été poursuivie sans les réserves nécessaires. Bien que cette jurisprudence soit basée sur l’ancienne réglementation et que le test de l’actif net ait été réalisé, la Cour a estimé qu’il s’agissait d’une faute grave caractérisée, la distribution ayant provoqué la faillite de la société.[6]

Enseignements importants pour les administrateurs en cas de distribution de dividendes
Il est donc recommandé aux administrateurs qui proposent une distribution de dividendes d’en évaluer l’impact comptable et juridique sur la société. En plus du (double) test de distribution, ils doivent systématiquement se demander si la distribution de dividendes est prudente et raisonnable compte tenu des circonstances dans lesquelles la société se trouve à ce moment-là. La Cour souligne également l’importance de documenter et de justifier les décisions de l’organe de gestion, afin que les administrateurs puissent prouver que leurs décisions ont été mûrement réfléchies et prises dans l’intérêt de la société.

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[1] Article 5:141 CSA
[2] Article 5:143 CSA
[3] Article 5:144 CSA
[4] Article 7:123 CSA
[5] Article 7:214 CSA
[6] Cass. 23 mai 2024, C.23.0088.