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Est-ce la fin de la donation mobilière exonérée (de droits de donation) ? - Mise à jour

Le 17 juin 2020, le CD&V et les partis écologistes Groen et Ecolo ont introduit à la Chambre une proposition de loi qui doit mettre fin à ce qu’on appelle la « kaasroute » (donations devant notaire à l’étranger). Cette proposition de loi a été adoptée par la commission Finances de la Chambre le 18 juillet 2020.

Mais qu’est-ce que la « kaasroute » ?

Le Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe actuel ne prévoit pas l’enregistrement obligatoire des actes notariés étrangers relatifs à la donation de biens mobiliers. De ce fait, la donation de biens mobiliers peut dans certains cas être exonérée de droits de donation. En ce qui concerne la donation de biens immobiliers, ce même code prévoit l’enregistrement obligatoire de l’acte de donation, ce qui donnera lieu automatiquement à la perception de droits de donation.

Prenons un exemple simple : si vous souhaitez transférer un portefeuille de titres à vos enfants, vous pouvez le faire au moyen d’une donation. Si vous faites passer cet acte de donation par un notaire belge, cet acte sera présenté à l’enregistrement par le notaire et les droits de donation (3 % dans la Région flamande pour les donations en ligne directe ou entre partenaires) devront être payés sur la valeur du portefeuille de titres. Si vous faites passer le même acte par un notaire – souvent néerlandais ou suisse dans la pratique – étranger, ce notaire ne présentera pas à l’enregistrement cet acte de donation en Belgique (il n’existe en effet aucune obligation à cet égard), si bien qu’aucun droit de donation ne sera dû. Ce n’est que si vous décidez plus tard de présenter l’acte à l’enregistrement que vous serez redevable des droits de donation.

Une telle donation mobilière est-elle alors définitivement exonérée d’impôt ? Non. Il existe en effet une fiction en matière d’impôt sur la succession qui dispose qu’une donation de biens mobiliers qui a eu lieu dans les trois ans précédant le décès du donateur et qui n’est pas soumise aux droits de donation est réputée faire partie de la succession du donateur. En d’autres termes, en cas de décès du donateur dans les trois ans qui suivent la donation exonérée (de droits de donation), les donataires seront redevables de l’impôt sur la succession (selon des taux progressifs atteignant 27 % en ligne directe et entre partenaires dans la Région flamande). Autrement dit, c’est au donateur et/ou aux donataires de faire un choix au moment de la donation : soit vous payez les droits de donation sur la donation mobilière, soit vous ne payez pas ces droits, mais vous courez le risque d’être soumis à l’impôt sur la succession durant la période suspecte de trois ans.

Il faut donc évaluer les risques et ce n’est pas du tout, comme le prétendent les auteurs de cette proposition de loi, une porte de sortie fiscale qu’une minorité de contribuables peuvent emprunter pour éluder les droits de donation. Dans la pratique, le recours à un notaire étranger est une solution souvent choisie par les donateurs – nettement plus jeunes – qui se soumettent intentionnellement à la période suspecte de trois ans. Ils se placent consciemment dans le champ d’application de l’impôt sur la succession et courent le risque d’être redevables de cet impôt si le décès a lieu dans les trois ans qui suivent la date de la donation.

Par ailleurs, une initiative a déjà été lancée au sein du Gouvernement flamand pour étendre cette période suspecte de trois ans à quatre ans, à partir du 1er janvier 2021.

Quelles perspectives d’avenir ?

Étant donné que la proposition de loi a été approuvée le 18 juillet 2020 par la commission Finances de la Chambre, les actes notariés étrangers portant donation de biens mobiliers devront eux aussi être enregistrés à l’avenir. Pour les donations mobilières étrangères, ceci signifie que des droits de donation seront dus. Ainsi, le contribuable ne pourra plus choisir entre la donation de biens mobiliers taxée et la variante exonérée (de droits de donation).

Dépêchez-vous !

La proposition de loi prévoyait initialement une entrée en vigueur 10 jours après la publication de la loi au Moniteur belge. Elle a été modifiée par la commission Finances de la Chambre. La loi entrera en vigueur pour les actes passés à partir du 1er décembre 2020.

Autrement dit, toute personne souhaitant encore effectuer une donation mobilière devant un notaire étranger sans obligation d’enregistrement en Belgique devrait se dépêcher de le faire ! 

En outre, il n’est pas inconcevable que l’entrée en vigueur de la loi ait un impact sur les donations qui ont eu lieu par le passé devant un notaire étranger. Pensez par exemple à la donation avec legs résiduel (fidéicommis de residuo) qui doit encore être acceptée par les appelés, c’est-à-dire les bénéficiaires du legs résiduel. Si cette acceptation a lieu à partir du 1er décembre 2020, les droits de donation seront encore dus si le legs résiduel produit ses effets dans le futur !

Une chose est sûre : c’est le meilleur moment d’organiser votre planification successorale. En passant en revue votre patrimoine ou les planifications existantes et en examinant de près l’impact d’événements imprévus tels qu’un décès, nous pouvons évaluer avec vous si la donation devant un notaire néerlandais peut encore être intéressante pour vous et s’il est encore nécessaire d’agir avant le 1er décembre 2020. Nos experts de l’équipe Private Client Services seront ravis de vous aider.

Est-ce la fin définitive de la donation mobilière exonérée de droits ?

Pas du tout. La proposition de loi porte sur l’enregistrement obligatoire des actes notariés étrangers portant transfert de biens mobiliers. Dans certains cas, une donation peut être réalisée valablement sans l’intervention d’un notaire. C’est le cas du don manuel ou du don bancaire. La proposition de loi ne porte pas sur ces dons spécifiques. Par conséquent, ils seront toujours possibles sans enregistrement obligatoire et donc sans droits de donation, mais avec l’application de la période suspecte relative à l’impôt sur la succession.

Il convient ici de relever que, bien qu’il ne soit en principe pas nécessaire d’établir un acte notarié pour que de telles donations soient réalisées valablement, il est vivement recommandé d’en conserver une trace écrite (le pacte adjoint), afin de pouvoir prouver à tout moment l’existence de la donation. En outre, ceci permet d’assortir le don manuel ou bancaire de modalités importantes, comme une clause de retour pour l’éventualité où le donataire décéderait avant le donateur.

La proposition de loi n’a en outre aucun impact sur le régime préférentiel en matière de droits de donation, qui s’applique aux entreprises et sociétés familiales. S’il est satisfait à certaines conditions, il est possible d’effectuer la donation d’une entreprise familiale ou d’une société familiale devant un notaire belge, avec l’exonération des droits de donation et sans l’application de la période suspecte susmentionnée relative à l’impôt sur la succession.

Vous souhaitez transmettre l’entreprise familiale à la nouvelle génération ? Dans ce cas, il est pertinent d’examiner si vous pouvez bénéficier de ce régime préférentiel relatif aux droits de donation.

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