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Réforme en profondeur du Code pénal social depuis le 1er juillet 2024

Sophie Vissers
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Sophie Vissers
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La loi modifiant le droit pénal social et diverses dispositions en droit du travail a été publiée au Moniteur belge du 21 juin 2024[1]. Les modifications s’inscrivent essentiellement dans le cadre de la lutte contre le travail illégal et la fraude sociale. Outre qu’elle adapte le Code pénal social, la loi contient également des dispositions relatives à l’organisation de la chaîne de sous-traitance et à la responsabilité solidaire pour dettes salariales. Comme ces dernières dispositions n’entreront en vigueur qu’au cours de l’année 2025, nous y reviendrons plus tard. Cet article se concentre sur les principales modifications du Code pénal social.

Adaptation du tableau des sanctions

L’article 101 du Code pénal social énonce les sanctions qui peuvent être infligées selon l’infraction. La nouvelle loi augmente le montant des amendes administratives et pénales de niveaux 3 et 4. Voici un aperçu des sanctions possibles par niveau, valables à partir du 1er juillet 2024 (les montants ont déjà été multipliés par les décimes additionnels)[2].

 

Niveau de sanction  Peine d’emprisonnement Amende pénale  Amende administrative
Niveau 1 / / €80 – €800
Niveau 2 / Soit €400 – €4.000 Soit €200 – €2 000
Niveau 3 / Soit €1 600 – €16 000 Soit €800 – €8 000
Niveau 4 Soit 6 mois à 3 ans  Et/ou €4 800 – €56 000 Soit €2 400 – €28 000

 

En ce qui concerne les personnes morales, la loi prévoit un mécanisme de conversion. La peine d’emprisonnement est remplacée par une amende pénale plus élevée au niveau 4. À ce même niveau, l’amende pénale s’élève à minimum €24 000 et maximum €576 000 pour les personnes morales. Ce mécanisme de conversion ne s’appliquera toutefois qu’après l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal (soit le 8 avril 2026)

Récidive et facteur aggravant

La nouvelle loi allonge le délai de récidive de un an à trois ans. Cela signifie qu’en cas de récidive dans les trois années qui suivent une condamnation pour une infraction, l’amende pénale ou administrative peut être doublée. Le doublement de la peine d’emprisonnement n’est plus possible. 

La loi ajoute également un facteur aggravant pour les infractions punies d’une sanction de niveau 4. Pour ces infractions, le fait qu’elles aient été commises sciemment et volontairement constitue un facteur aggravant. Le juge/l’administration doit prendre en considération ce facteur aggravant pour déterminer la sanction qui sera infligée (dans la fourchette de sanctions reprise dans le tableau des sanctions). 

La loi prévoit en outre un relèvement au niveau de sanction 4 pour certaines infractions (qui sont normalement punies par une sanction de niveau inférieur) si elles ont été commises délibérément (comme l’omission délibérée de souscrire une assurance contre les accidents du travail). 

Modification du niveau de sanction pour certaines infractions

La nouvelle loi modifie non seulement le tableau des sanctions, mais aussi le niveau de sanction pour des infractions bien déterminées. La loi prévoit aussi bien un relèvement qu’un abaissement du niveau de sanction. En voici une liste non exhaustive : 

  • Abaissement du niveau de sanction :
    • Abaissement du niveau 2 au niveau 1 pour le non-respect de certaines formalités de publicité relatives aux jours fériés
    • Abaissement du niveau 2 au niveau 1 pour les infractions relatives au registre des intérimaires
    • Abaissement du niveau 3 au niveau 2 pour le non-respect de certaines mesures relatives à la publicité des horaires de travail / au contrôle des documents pour les travailleurs à temps partiel
  • Relèvement du niveau de sanction :
    • Relèvement du niveau 2 au niveau 3 si aucun conseiller en prévention aspects psychosociaux n’a pas été désigné au sein de l’entreprise
    • Relèvement du niveau 1 au niveau 3 pour les travailleurs qui effectuent un travail non déclaré
    • Relèvement du niveau 2 au niveau 3 pour les employeurs qui n’ont pas remis aux travailleurs les titres-repas dont ils sont redevables ou qui ne se sont pas délivrés à la date à laquelle ils sont dus
    • Relèvement du niveau 2 au niveau 3 pour les employeurs qui n’observent pas la procédure d’information et de consultation en matière de licenciement collectif

Suppression de certaines sanctions et introduction de nouvelles sanctions

Outre le relèvement et l’abaissement du niveau de sanction, la loi prévoit également de nouvelles sanctions ou la suppression de sanctions existantes. 

Ainsi, elle prévoit une nouvelle sanction spécifique pour l’employeur qui n’octroie pas d’éco-chèques (niveau 2) ou pour l’employeur qui, en contravention à une convention collective de travail rendue obligatoire, n’a pas payé l’indemnité due, par exemple, pour l’entretien ou la fourniture des vêtements de travail (niveau 2).

Enfin, la loi prévoit également la possibilité pour le juge de prononcer, au titre de peine accessoire, l’exclusion du droit de participer à des marchés publics ou à des concessions (pour une période de trois à cinq ans). Il ne peut prononcer cette peine accessoire que si des poursuites pénales ont été engagées et uniquement en cas de condamnation pour des infractions punies d’une sanction de niveau 3 ou 4. 

Entrée en vigueur

À quelques exceptions près, les modifications qui concernent le Code pénal social sont entrées en vigueur le 1er juillet 2024. À l’heure actuelle, il convient donc de tenir compte de ces nouvelles dispositions. 

Il est important de noter que les deux principes contenus dans l’article 2 du Code pénal s’appliquent également ici : 

  • Principe de légalité : une infraction ne peut être sanctionnée que par des peines prévues par la loi au moment de la commission de l’infraction. En effet, toute personne doit pouvoir déterminer, au moment où elle adopte un comportement, si ce comportement est punissable. 

Exemple : une entreprise adopte un certain comportement qui, à ce moment-là, n’est pas punissable, mais qui est devenu punissable à la suite de la modification du Code pénal social à partir du 1er juillet 2024. L’entreprise ne peut donc pas être sanctionnée rétroactivement pour ce comportement.

  • Rétroactivité de la peine la plus légère : si au moment de la décision du tribunal, la peine diffère de celle qui était applicable au moment de l’infraction, c’est la peine la moins lourde qui doit être appliquée. Cela implique l’interdiction d’appliquer rétroactivement la loi pénale plus sévère. En ce qui concerne les infractions continues[3], une nuance importante s’impose. Si une infraction continue a débuté sous l’ancienne loi et se poursuit sous la nouvelle loi, il y a lieu de toujours prendre en compte la dernière loi (même si celle-ci est plus sévère) si tous les éléments constitutifs de l’infraction sont présents au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.[4] 

Exemple : le 1er février 2024, une entreprise commet une infraction se rapportant au registre des intérimaires (punie à ce moment-là d’une sanction de niveau de 2). Le juge examine cette infraction le 1er septembre 2024 (elle est alors punie d’une sanction de niveau 1). Lors du prononcé, le juge doit prendre en compte la sanction la plus légère, à savoir la sanction de niveau 1. 

Exemple : une entreprise n’a pas observé la procédure d’information et de consultation dans le cadre d’un licenciement collectif en date du 1er février 2024. Ce fait est examiné par un juge le 1er septembre 2024. Le juge doit infliger la sanction qui était applicable le 1er février 2024 (à savoir une sanction de niveau 2), et non la sanction qui est applicable au moment du prononcé (à savoir une sanction de niveau 3). 

Exemple d’infraction continue : depuis le 1er février 2024, une entreprise n’a pas désigné de personne de confiance. Il s’agit d’une infraction continue. Ce fait est soumis au juge le 1er septembre 2024. Le juge doit apprécier l’infraction au regard de la législation la plus récente. C’est donc la sanction plus lourde, prévue par la nouvelle législation (sanction de niveau 3), qui s’applique à l’infraction si aucune personne de confiance n’a été désignée à cette date. 

 

 
[1] Loi du 15 mai 2024 modifiant le droit pénal social et diverses dispositions en droit du travail, MB 21 juin 2024.
[2] Les modifications sont indiquées en couleur. 
[3] Une infraction continue est une infraction dans le cadre de laquelle l’auteur laisse perdurer la situation illicite. 
[4] E. Van Muylem, “Conflict van strafwetten in de tijd”, AJT 1998-99.

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