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VAT

La validité juridique d’une facture a-t-elle un impact sur le droit à déduction de la TVA?

Nele Pichal Nele Pichal

En principe, le droit à déduction de la TVA ne peut être exercé que si une facture est conforme en matière de TVA. Auparavant, cette condition de forme s’appliquait au même titre que la condition de fond selon laquelle les biens et services livrés doivent être utilisés pour réaliser des opérations ouvrant droit à déduction.

Contrainte par la jurisprudence européenne, l’administration de la TVA a adopté une position plus indulgente, en admettant qu’une facture irrégulière n’aboutisse plus nécessairement au rejet du droit à déduction de la TVA.

La législation prévoit des amendes lourdes pour les factures non conformes

Les sanctions susceptibles d’être infligées en vertu de la législation TVA en cas d’émission d’une facture non conforme peuvent aller jusqu’au rejet du droit à déduction et à des amendes s’élevant au montant total de la taxe due lorsque des mentions essentielles ne figurent pas sur la facture. Ces mentions sont le numéro d’identification à la TVA, le nom et l’adresse des parties impliquées dans l’opération, la nature ou la quantité des biens livrés ou des services fournis, et le prix.

Par conséquent, si une facture non conforme est émise, l’émetteur est passible d’amendes, mais le client est lui aussi passible de sanctions, ce qui peut nuire à la relation commerciale. 

Mais les sanctions ne sont plus aussi sévères

Par le passé, l’administration de la TVA refusait souvent le droit à déduction en cas de facture incomplète ou irrégulière. Contrainte par la jurisprudence européenne, elle se montre plus clémente depuis 2017 en reconnaissant le principe de la ‘prééminence du fond sur la forme’[1].

Cela implique qu’une facture irrégulière ne doit pas nécessairement aboutir au rejet du droit à déduction. En effet, il existe des circonstances dans lesquelles les données peuvent être valablement établies par d’autres moyens que par une facture. L’administration ne peut donc pas se limiter à l’examen de la facture elle-même, mais elle doit également tenir compte des informations complémentaires fournies par l’assujetti.

Voilà qui nuance l’importance de la force probante d’une facture régulière.

Lorsque la facture présentée par l’assujetti est irrégulière et/ou incomplète, l’administration évaluera, dans le cas d’espèce, le droit à déduction :

  • sur la base d’une facture ‘rectifiée’ et/ou
  • en combinaison avec des ‘pièces justificatives complémentaires’ qui, indubitablement, se rapportent à la facture, telles que les contrats, les bons de commande, les offres, la correspondance, etc., qui sont communiquées par l’assujetti (moyennant la preuve de la réunion des conditions de fond et l’absence de fraude ou de pratique abusive).

Toutefois, les factures rectifiées et/ou les pièces justificatives complémentaires doivent être communiquées à l’administration en temps utile, c’est-à-dire avant la fin du contrôle fiscal.

Parfois, il est difficile de savoir s’il faut effectuer une correction via une note de crédit ou via un document rectificatif. La législation relative à la TVA fait uniquement mention d’un ‘document rectificatif’. Dans la pratique, la note de crédit est utilisée lorsque le montant de la TVA doit être corrigé, alors que le document rectificatif est utilisé quand d’autres mentions sur la facture doivent être corrigées, sans que le montant total de la facture doive être annulé.

Qu’en est-il du droit à déduction en cas d’émission de factures rectificatives après l’échéance ?

La question se pose de savoir dans quel délai l’éventuelle correction d’une facture irrégulière doit être effectuée pour garantir le droit à déduction du client.

Selon la réglementation actuelle, le droit à déduction ne peut être exercé que via une déclaration périodique à la TVA introduite au plus tard le 31 décembre de la troisième année civile suivant l’année durant laquelle la TVA initialement imputée est devenue exigible. Cela implique que l’assujetti ne peut plus bénéficier de la déduction de TVA sur les factures (rectificatives) reçues après l’expiration de cette échéance. Il n’est pas rare que les assujettis soient contrôlés juste avant la fin de l’échéance de trois ans. Si, dans ce cas, des corrections doivent être apportées à des factures, il peut arriver que ces factures ne soient émises qu’après l’expiration de ce délai, ce qui, auparavant, impliquait que le client ne pouvait plus exercer le droit à déduction de la TVA.

Étant donné que cela a remis en question la neutralité de la TVA, la Cour de Justice de l’Union européenne a mis fin à ces pratiques en concluant que comme l’assujetti ne pouvait pas exercer son droit à déduction plus tôt, l’échéance ne devait pas empêcher l’exercice du droit à déduction. De cette manière, les assujettis qui reçoivent tardivement des factures (rectifiées) peuvent encore récupérer la TVA après l’expiration de l’échéance[2].

Pour l’heure, l’administration belge de la TVA n’a aucune position officielle confirmant ce principe (excepté dans un passage du commentaire sur la TVA). Dans la pratique, cette manière de procéder est autorisée, mais, faute de directives officielles, il est conseillé de demander un accord individuel à l’administration compétente.

 

 

[1] Circulaire n° 2017/C/64 du 12 octobre 2017

[2] Arrêts C.J.U.E. C-533/16 Volkswagen et C-8/17 Biosafe