article banner
Social

L'ONSS élargit la notion 'à charge de l'employeur'

Jeroen Bouwsma Jeroen Bouwsma

Les Instructions administratives récemment publiées pour le troisième trimestre de 2018 prouvent que l’Office national de sécurité sociale (ONSS) donne une interprétation élargie à la notion de rémunération aux fins de la perception des cotisations de sécurité sociale. L’ONSS interprète la notion ‘à charge de l’employeur’ dans un sens plus large. Les avantages directement octroyés à des travailleurs par une tierce partie qui n’est pas l’employeur, sans l’intervention de l’employeur, peuvent être considérés comme une rémunération par l’ONSS.

Nous nous intéresserons ci-après de plus près aux notions de rémunération et ‘à charge de l’employeur’ ainsi qu’aux conséquences de leur interprétation élargie.

Notion de rémunération

La notion de rémunération est définie et interprétée de différentes manières en droit belge. La notion ne revêt ainsi pas la même signification en droit fiscal et en droit du travail, et même en droit du travail, la rémunération ne fait pas l’objet d’une définition univoque.

La notion de rémunération en droit de la sécurité sociale est définie comme suit:

«Tout avantage en espèces ou évaluable en argent:

  • que l’employeur alloue au travailleur en contrepartie de prestations exécutées dans le cadre du contrat de travail, ou
  • auquel le travailleur a droit en raison de son engagement, à charge de l’employeur, soit directement, soit indirectement (par exemple pourboire ou service, somme payée par fonds de sécurité d’existence)»

Dans la plupart des cas, la qualification d’un avantage octroyé au titre de rémunération et, partant, l’exigibilité des cotisations de sécurité sociale ne font aucun doute.

Mais qu’en est-il par exemple lorsqu’un avantage évaluable en argent (options sur actions par exemple) est octroyé par une société mère à des travailleurs d’une filiale sans aucune intervention (financière) de la filiale-employeur?

Notion ‘à charge de l’employeur’

La notion ‘à charge de l’employeur’ n’est pas définie dans la loi, de sorte que nous sommes contraints de nous tourner vers la jurisprudence pour son interprétation.

Selon la Cour de cassation, un avantage qui est octroyé directement aux travailleurs de la filiale-employeur et qui est pris en charge financièrement par la société mère, est réputé être à la charge de la filiale-employeur si les travailleurs peuvent exiger de la filiale-employeur le paiement de l’avantage sur la base de leurs conditions de travail (par exemple parce que l’octroi de l’avantage est prévu dans le contrat de travail).

Jusqu’il y a peu, c’était également le point de vue de l’ONSS. L’ONSS donne à présent une interprétation élargie à la perception indirecte d’un avantage à charge de l’employeur et considère qu’il suffit que l’octroi de l’avantage soit la conséquence des prestations exécutées dans le cadre du contrat de travail conclu avec l’employeur ou soit lié à la fonction exercée par le travailleur chez l’employeur pour que l’avantage soit qualifié de rémunération.

Il n’est donc plus formellement requis que l’employeur soit la personne à qui le travailleur doit s’adresser s’il ne perçoit pas l’avantage pour que l’avantage soit considéré comme rémunération.

Dans notre exemple, l’avantage qu’une société mère octroie aux travailleurs de la filiale-employeur, est considéré comme rémunération par l’ONSS:

  • si l’avantage est octroyé:
  • en contrepartie d’un travail exécuté en vertu du contrat de travail conclu avec la filiale-employeur, ou
  • en lien avec la position du travailleur auprès de la filiale-employeur
    • que les coûts financiers de l’avantage soient refacturés ou non par la société mère à la filiale-employeur, et
    • que les travailleurs puissent exiger ou non de la filiale-employeur le paiement de l’avantage sur la base de leurs conditions de travail.

Conséquence de l’interprétation élargie de la notion ‘à charge de l’employeur’

L’interprétation élargie de la notion ‘à charge de l’employeur’ comporte le risque que tous les avantages octroyés à un travailleur soient toujours considérés comme rémunération par l’ONSS, quelle que soit la qualité de l’entité qui octroie ou prend en charge financièrement les avantages.

L’octroi d’un avantage implique en effet presque toujours un lien avec l’occupation du travailleur au service de l’employeur considéré et l’avantage sera dès lors presque toujours octroyé en contrepartie du travail exécuté ou à tout le moins lié à la fonction du travailleur chez l’employeur.

Autrement dit, si une société mère octroie un avantage aux travailleurs de sa filiale(-employeur), elle le fera généralement uniquement parce que les travailleurs sont au service de la filiale(-employeur). Dans le cadre de l’interprétation élargie par l’ONSS de la notion ‘à charge de l’employeur’, les avantages ainsi octroyés sont considérés comme rémunération et donc soumis aux cotisations de sécurité sociale.

La question se pose de savoir si cette interprétation élargie de la notion ‘à charge de l’employeur’ pourra être maintenue ou si la jurisprudence rappellera l’ONSS à l’ordre.

En attendant, il est indiqué, en ce qui concerne l’octroi ‘indirect’ d’avantages, de contrôler systématiquement si l’avantage octroyé doit être considéré comme rémunération et est donc soumis aux cotisations de sécurité sociale belges.